Deux poèmes de Nguyễn Duy
Deux poèmes de Nguyễn Duy,
vingt ans de censure
Voici deux poèmes de Nguyễn Duy traduits par Phan Huy Đường. Les lecteurs bilingues ou vietnamisants trouveront ici les versions originales : Nhìn từ xa... Tổ Quốc ! (De loin... ma Patrie !) et Kim Mộc Thủy Hỏa Thổ (L'Airain, le Bois, l'Eau, le Feu, la Terre).
Né en 1947 à Thanh Hóa dans une famille paysanne, Nguyễn Duy a participé à la guerre contre l'agression, notamment à la bataille de la Citadelle de Quảng Trị en 1972. Ses poèmes ont été publiés à partir de 1969 qui font de lui le poète le plus apprécié de sa génération. A la réunification du pays, Nguyễn Duy s'est établi à Hồ Chí Minh Ville où il dirige le bureau "du Sud" de la revue Văn Nghệ (hebdomadaire de l'Union des écrivains). Il est d'autant plus significatif que nombre de ses poèmes aient subi les foudres de la censure et les attaques de la part des gens au pouvoir.
De loin... ma Patrie !, commencé en mai 1988 à Moscou, achevé en août 1988, a été publié en mai 1989 dans la revue littéraire de Huế (Sông Hương, n° 37) et diffusé quelques mois plus tard par la revue parisienne Đoàn Kết (n° 416, août-septembre 1989). A la suite de cela, Sông Hương et son rédacteur en chef ont été suspendus, l'auteur du poème a subi de nombreuses séances de critiques.
L'Airain, le Bois, l'Eau, le Feu, la Terre, écrit en 1990-1991, a été publié pour la première fois par la revue littéraire de Quảng Trị (Cửa Việt, n°16, août 1992), puis repris par notre revue mensuelle (Diễn Đàn, n°12, octobre 1992). Cửa Việt a connu le même sort que son confère Sông Hương. Pour la bureaucratie, ces deux poèmes "étalent l'esprit anti-national et anti-socialiste".
En 1997, Nguyễn Duy décide de passer de la poésie à la prose. Pour clore une période fort riche de sa créativité, il a réuni un recueil de ses poèmes (400 pages). Les éditions de l'Union des écrivains demandent la suppression de dix poèmes (dont les deux poèmes présentement publiés), les éditions Văn Học sept. Refus de l'auteur qui trouve quelques années plus tard les éditions de Hải Phòng. Celles-ci acceptent de publier tel quel le recueil Poèmes de Nguyên Duy. Le livre est sous presse. Intervient alors le fameux bureau A25 ("Département de la défense de la culture" du Ministère de la Sécutité publique) qui décrète l'interdiction de l'ouvrage et la mise sous séquestre de tous les exemplaires imprimés. Précisons que les poèmes qui composent ce recueil ont tous été publiés dans les revues et journaux offciels et aucun n'a été l'objet d'une interdiction formelle. Mais, pour les "défenseurs" de la culture, certains d'entre eux abordent un thème "sensible" (nhạy cảm) et leur (re)diffusion est "inopportune".
Il a fallu attendre treize ans pour que les éditions de l'Union des
écrivains publient Thơ
Nguyễn Duy (été 2010).
Les lecteurs jugeront eux-mêmes la qualité littéraire des deux poèmes, s'il est possible de le faire à travers une traduction -- qui est excellente. Ils verront en tout cas que, vingt ans après, leur actualité demeure entière.
Kiến Văn
De loin... ma Patrie !
Face à la lampe
Tissée de lumière, une feuille blanche
Obsédante blancheur de la nuit polaire,
Dans le dos, qui m'épie ?
Serein, je regarde vers le pays natal
lointain, désert
des montagnes, des fleuves
des fissures dans la terre
Je ferme les yeux, je vois
sans fin
l'amour, la douleur
les torturants soubresauts d'un héroïque drame
Où que j'aille, en mon coeur se dresse une frontière
d'amour, de nostalgie, ma Patrie
*
Quelqu'un me hante
lumière trop blanche brûlant mon regard
Qui ?
silence
Qui ?
une ombre !
Ah...
Salut, héros infiniment impuissant
ombre sanglante gigotant sur le plancher
Allons, me voici, je t'écoute
ombre sanglante de moi-même
*
Il fut un temps où j'aimais les chœurs
Sincère, passionné
j'étais ce que nous sommes, la passion de soi[1]
Oui, il fut un temps grandiose
de douleur, de sang, de larmes
où nous savions mourir, les yeux ouverts, obstinément
un temps - c'est incontestable -
où tous, nous marchions au pas dans la même direction
où les fausses valeurs, sauce d'oignon grésillant sur les flammes
pourrissaient nos entrailles de leurs émanations
*
De bout en bout, j'ai vécu la guerre
à chacun de mes pas, le doute, inflexible épine
s'enfonçait interminablement dans ma chair
Qui ?
personne
L'ombre douloureuse se frappe la poitrine
*
Pourquoi, au pays de l'amour
tant de handicapés quêtent pêle-mêle la pitance
trouant de leurs béquilles le visage du village natal ?
tant de mères de héros appellent leurs enfants à sortir de leur tombe pour porter plainte
tant de fantômes décapités assiègent la porte des mandarins ?
Qui ?
personne
Convulsive, l'ombre douloureuse agite ses bras
*
Pourquoi, au pays de la miséricorde
surgissent tant de démons ?
monstres étranges, maquereaux, menteurs, voleurs
l'enfer se réincarnant dans des humains chancelants
Dans la nuit des illusions
les cheveux dressés, l'esprit déchiré
je sens, fixée sur mon être, la lueur verte, glacée, démoniaque d'un regard
Qui ?
personne
Vers le ciel, l'ombre douloureuse détourne la face
*
Pourquoi, au pays de l'esprit,
tant de temples, de pagodes servent de hangars aux communes ?
tant de mécréants pillent sans vergogne les génies ?
Du livre, la page se détache sans laisser de trace
Bouddha pleure la Foi à la dérive
le Bien, le Mal devenus indiscernables
la justice balancée au gré des flots
Qui ?
personne
L'ombre douloureuse médite
*
Pourquoi, au pays de l'intelligence
tant d'enfants analphabètes ?
tant d'écoles en ruines, pitoyables ?
et la jeunesse plie sous la douleur et les larmes
courbe le dos sur la pompe à bicyclette
s'éparpille au hasard des vents à la croisée des chemins
A colin-maillard, que de génies précoces !
Mais au grand jour... l'ombre chancelante de rares talents
Qui ?
personne
En silence, l'ombre douloureuse courbe la tête
*
Pourquoi, au pays de la sincérité
tant de putes ?
putes de luxe - putes de marché - putes de villages
putes de bas étages vendant leur cul pour nourrir leur bouche
putes de haut niveau vendant leurs discours pour flatter leur cul
et l'inflation grimpe
à mesure que l'esprit se déprécie
Qui ?
personne
L'ombre douloureuse s'arrache les oreilles
*
Pourquoi, au pays du labeur
tant de fainéants ?
tant de subterfuges ?
tant de faux salaires
pour tant de faux travaux ?
et tant de crimes,
de cruauté, de perfidies, de mesquineries, d'indifférence
et le vol érigé en religion de masse
Des armées de trafiquants envahissent les rues
bradent les biens, les postes, les dieux, tout...
et vendent le pouvoir aux enchères sur la place publique
Qui ?
personne
L'ombre douloureuse hausse les épaules
*
Pourquoi, au pays du pardon
tant de gens fuient la terre natale
rient sans vergogne de bonheur à chaque séparation ?
se bousculent pour se vendre à l'étranger
laissant la terre veuve s'endeuiller d'herbes folles ?
Sur l'océan Pacifique tangue le bateau du destin
les yeux fermés, ils se jettent à l'eau sans une promesse de retour
Qui ?
personne
L'ombre douloureuse s'arrache les cheveux
*
Pourquoi, au pays de l'ordre, de la dignité
tant de monarques ?
rois du mensonge, de la tromperie, du vol, du brigandage
rois sans couronne, rois freluquets, roitelets...
tant de seigneurs de guerre grouillant sur chaque parcelle de terre
parmi tant de tyrans à tête de boeuf, à gueule de cheval ?
et la loi, comme une plaisanterie, ni réelle ni fictive
le déplacement d'un seul condamnant toute une rue
Qui ?
personne
L'ombre douloureuse plie sa règle d'artisan
*
? ...
? ...
? ...
*
Qui ?
Qui ?
Qui ?
personne
épuisée
L'ombre douloureuse se tord en une interrogation
*
Allons, je reviens
il me reste encore, intacte, la page blanche
et du fond de mon coeur, une tremblante lueur
*
Parfois, prise de rage, hallucinée
mon âme fuit mon corps
étale mes entrailles, s'amuse à les compter
*
Une goutte de sang ordinaire
un soupçon d'intellectuel, une pincée de paysan, une ombre de prostituée
un tantinet trafiquant, un peu cadre, un peu bouffon
Bouddha et le Diable... un tout petit peu de tout
pour mutuellement se torturer
sous le carcan d'un masque, entre mensonge et réalité
Allons, arrachons le masque, à quoi bon temporiser
il n'y a plus de mensonge qui puisse encore tromper
il est une limite à l'intelligence et la bêtise
*
Les entrailles torturées
nous avalons la transition socialiste[2]
le ventre puant, étouffant d'orgueil
Nous délirons - empoisonnés par la maladie des louanges
qui ronge nos têtes et nos corps depuis tant d'années
nous le savons, mais que faire ?
Injurier à l'envie
comme des maîtres escrocs montrant d'opportunistes crocs ?
ou remâcher les sempiternelles prières
auprès de Monseigneur le Système et de Madame l'idéologie ?
Taisez-vous, je vous prie, sirènes des illusions
n'élevez pas la voix quand le peuple misérable
courbe l'échine sous la peine pour ne pas courber le dos sur la pitance
Renouveau[3], vrai ou faux-semblant ?
Mais peut-on régénérer un sang empoisonné ?
*
Effroyable, le sort de celui que personne n'aime
Plus abominable encore, le sort de celui que personne ne hait
La poésie du courage se fait chaque jour de plus en plus rare
qui suis-je ?
qui a encore besoin de moi ?
*
Il se peut que je ne croie plus en personne
que plus personne ne croie en moi
reste néanmoins l'espoir en l'homme
Car, malgré tout
ne croisons pas les bras
rien n'est pire que l'indifférence, la résignation
Il est au monde plus de bien que de mal, pourquoi le mal triomphe-t-il ?
Il est temps que les hommes de coeur unissent leur volonté
*
Malgré tout
en moi, la Patrie
une lueur pure, immaculée
tant qu'il reste la poésie, tant que vit un peuple
je suis le peuple - je demeurerai
*
Goutte à goutte
péniblement
si péniblement
Malgré tout
ne nous résignons pas
tant que nous vivrons, il reste un avenir humain pour les hommes
Nguyễn Duy
Moscou, 5-1988
Hochiminh-Ville 19-8-1988
Traduit du vietnamien par Phan Huy Đường
[1] un vers célèbre de Chê Lan Viên, pendant la résistance anti-américaine. Textuellement : je suis moi, et pourtant, passionnément je me désire. En vietnamien ta peut se comprendre comme je ou nous !
[2] Officiellement, le Vietnam est dans une phase de transition vers le socialisme.
[3] Nom donné à la politique d'ouverture du pays à l'économie de marché, 1986.
L'Airain, le Bois, l'Eau, le Feu, la Terre (1)
1
La terre lentement se réchauffe
la couche d'ozone pose problème
le crâne noix-de-coco bornée
vomit tout savoir qui y pénètre
les yeux chassieux posent problème les oreilles assourdies posent problème
le sommeil inquiet pose problème
les vermisseaux posent problème aux champs
le feu l'érosion posent problème aux forêts
le chapeau suppliant du mendiant pose problème aux coins des marchés
l'errance pose problème aux jeunes poussières de vie (2)
plaie envahissante, les naissances et la faim posent problème à la planète
la guerre dégorge de problèmes sanglants
2
Et les chiens aboient et les hommes s'en vont leurs chemins
des chemins criblés de nids de poules à problème
et les ponts chancelant sous des poids excessifs
posent le problème de leur effondrement imminent
et des hommes avides rongent et le ciel et la terre
posent le problème de leur anéantissement par la nature, demain
et le problème de l'eau, en premier lieu celle des inondations
et le problème des incendies criminelles
un monde en crise par manque de génies
un monde en crise par excès de démons
quel chaos grandiose, ce monde compliqué
tout est de la faute à la couche d'ozone
3
Et mon estomac gronde
et mes entrailles posent problème
mes viscères, semble-t-il, grincent
le sida dévore mes sens les cancers étouffent mon corps
impossible de dire je m'en fous
j'ai besoin de vivre j'ai besoin de tout
j'ai besoin de nourriture j'ai besoin d'air j'ai besoin
de rêves tendres jaillissant des pousses vertes
du silence à la mémoire des amours chantantes (3)
des amants qui n'ont jamais fait l'amour ensemble
4
Dans la jarre de vin les sept serpents dressent leur tête
de leur venin nourrissant tour à tour le Ying le Yang
poison contre poison submergeant les vaisseaux sanguins
jusqu'à la moelle des os dans des sifflements de cobras en fureur
ces derniers temps j'ai peur de sortir dans les rues
je préfère rester seul assis à ne rien faire
le corps vidé d'âme à la dérive
j'ai vaguement peur des lieux où la petitesse rusée écrase l'intelligence
la gueule des grands hommes vociférant des ordures me révulse
par leurs crachats professionnels sur tous, hommes et femmes de peu
complexé, je sursaute devant la lampe éteinte faute d'électricité
qui se balance au plafond de ma chambre
me font horreur les bandes de mandarins faux-ennuques singeant la vertu
jouissant à satiété de pots-de-vin et de pots-de-fleurs vénales (4)
les corporations de marchands de crottes pour chiens
mais que faire quand la dette est irrécouvrable ?
que d'inquiétude, que d'instabilité !
mais qu'importe, on s'en fout !
il en est qui me défient de les affronter
je réponds : je suis devenu faible et ne connais pas le karaté
et d'autres qui me provoquent à l'injure
je réponds : on vient de me voler des cageots entiers de mots
d'autres encore me défient de leur cracher au visage
je réponds : j'ai épuisé ma bave
je plonge mon nez haletant dans mon manuscrit
je ranime de mon souffle les mots irrespirables
à l'humain il n'est rien d'impossible (5)
crains seulement de n'avoir plus rien à faire
j'aspire au chant des vermisseaux des insectes
sans censure ni editing
je désire le vol des oiseaux
sans passeport sans frontière
le vieux chien veille sur son os la vieille chatte devient renarde
en vieillissant je deviens enfant
ô combien sacré ce moment de silence en solitude
l'humain se divinise en cet instant
5
Il fait trop chaud trop intense est la tourmente
la couche d'ozone pose problème
l'ancien corbeau croasse après les brumes humides d'antan
le cri de la chouette déchire le ciel en miettes ténébreuses livides
épuisé, je palpite dans un rêve blanc
des spectres sautillant trébuchent sur le perron de ma demeure
et je m'incarne dans la mélodie des huit instruments funèbres (6)
et je vois soudain mon corps lentement se décomposer pourrir
trompettes et tambours soudain sortent leurs griffes
feulent dans la pâle et gluante lueur des lucioles
je balbutie je transpire
quand on est entré dans la danse il faut danser et danser sans fin
6
Et voici la culbute finale, la pensée de Marché
faire du commerce et vendre son propre corps à vil prix
corbeaux, si vous en voulez, je le vends en bloc
ou en parcelles avant qu'il ne pourrisse
hiboux, si vous en voulez, je privatise
et je vends en morceaux à crédit
comme on vend nos forêts nos mers nos monts nos fleuves
nos terres nos demeures nos entrailles bouchée par bouchée
tout est possible au temps de l'économie de marché
un pays achetant en bloc un autre
on peut monter des joint-venture diaboliques
des entreprises bradant le pays par morceaux
on y compte des cartels supranationaux
des nations perdant leur terre parcelles après parcelles
que vaut donc mon corps en ce monde ?
je le démantèle pour le vendre moi-même
jadis un vieil avare dit à ses enfants
quand je serais mort, dépecez mon cadavre et vendez-le
aujourd'hui je dois le faire de mes propres mains
craignant que mes enfants ne sachent pas partager équitablement mes restes
je lirais moi-même mon éloge funèbre faisant à moi-même mes propres adieux
de moi-même me libérant d'un temps d'illusions
empaquetant mon âme de la lune illusoire des nouvelles régions économiques
labourant la terre, ensemençant le riz et les tubercules dans l'Airain le Bois l'Eau le Feu la Terre
j'arrive, nouvelle économie de l'univers
dépassant la couche d'ozone à problème
7
Une étoile lointaine soudain s'envole
sa lumière filante se condense engorgeant mes orbites
le vent trivial me secoue me réveille
l'air ordinaire me ressuscite, palpitant
je chute sur la terre instable
irrépressiblement scandaleux à mort
et mon estomac gronde
et mes entrailles posent problème
et j'accompagne de nouveau le cortège funèbre des mots
bourrant de mots-cadavres les invisibles cimetières en papier
et je me perds dans la nostalgie des amours chantantes de jadis
des amants qui n'ont jamais fait l'amour ensemble
et je doute des noix-de-coco bornées
qui vomissent tout savoir qui y pénètre
et je grommelle sur cette terre qui lentement se réchauffe
soupçonnant un problème dans la couche d'ozone
8
Indolemment, j'emmène ma noix-de-coco au marché
cherchant un canard chinois métissé de barbarie
l'ermite-légume médite en plein marché
les épices étalent à profusion leurs brûlantes amertumes
et le cri angoissé des canards et leurs battements d'aile désespérés
et la poésie envahissante des odeurs d'escargots de coquillage
et les tiges de liseron d'eau dégoulinant de sève
dans les cris de plaisir illuminant le marché
tanguant dans l'ivresse des jours de marché
tranquillement je remets tout à plat
imperceptiblement je baise à l'œil les joues roses
la fraîcheur en fleur des sourires d'autrui
et je contemple une main de maître éventrant le poisson
et j'admire le professeur génial de l'art de plumer les canards
le sang du canard se marie à merveille avec ses entrailles cuites
le plat de sang caillé bouche à merveille le vide de la noix-de-coco
entrant dans le festin nombreux sont les piffres qui reculent devant le sang
bien que dans la vie allègrement ils s'entr'égorgent
qu'est-ce que cela peut faire ?
et que peux-tu y faire ?
9
Allons, il n'y a plus qu'à rivaliser avec les mômes du quartier
aux échecs, aux jeux de rois, de chevaux, de carreaux
aux jeux simplistes des enfants, comme si de rien n'était,
du Ying du Yang en ce monde d'Airain de Bois d'Eau de Feu et de Terre
accroupi ou fesse au sol, c'est selon
avec quatre pions recomposer le monde dans le pré carré des cinq éléments
pour mollement déclamer en vers vulgaires
le chant berceur des vermisseaux la romance éperdue des crapauds
dans l'orgueil ridicule des sottes épopées campagnardes
la parole infantile déployée à travers la guéguerre des Cinq Éléments
Nguyễn Duy
Traduit du vietnamien par Phan Huy Đường
(1) Les cinq éléments de la cosmologie chinoise
(2) Les enfants errants
(3) Quan họ : chants populaires des plaines du Nord Vietnam, notamment de la province de Bắc Ninh. Les jours de fête, jeunes gens et jeunes filles rivalisent en se répondant, en partie en improvisant.
(4) ăn hoa hồng : toucher une commission ; xơi hoa đào : textuellement, manger des fleurs de pêcher, en jargon : sauter une femme. Jeu de mots : les deux termes comportent "manger" et "fleur". Manger des fleurs vénales.
(5) un vers célèbre de Ho Chi Minh à la jeunesse vietnamienne.
(6) musique bouddhique au 13e et 14e siècle au Vietnam, devenue musique funéraire comportant 8 instruments.
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