Le cauchemar américain
USA 2016
Le cauchemar américain
Nguyen Quang
L’un des slogans emblématiques du « rêve américain », on le sait, est qu’aux Etats-Unis, le pays de toutes les opportunités, n’importe quel individu a toutes ses chances, y compris celle d’accéder à la magistrature suprême. Il y a eu par exemple Ronald Reagan, acteur de série B, élu en 1980, réélu en 1984, et que les Américains considèrent en majorité comme un grand président. Mais aujourd’hui ? Comment le 45ième de la liste peut-il être ce Donald Trump qu’une campagne électorale de dix-huit mois à hauteur de caniveau a confirmé être digne de tous les qualificatifs dont l’a affublé le New York Times , « bidon, menteur, vantard, tricheur, brute, misogyne, démagogue, prédateur, bigot, rasoir, egomaniaque, raciste, sexiste » ? Et c’est cet histrion hystérique qui va prendre les commandes – la totalité des commandes, la Maison Blanche, les deux chambres du Congrès, la Cour Suprême – de la première puissance mondiale ? Le rêve vire au cauchemar. Pour juger du Trump dans le texte, voir le « florilège » et le « programme » ci-joints, et se préparer à quatre ans (au moins) de malheur.
Etats désunis d’Amérique
C’est le plus gros « coup » de l’histoire des élections américaines depuis l’élection-surprise de Harry Truman en 1948. A part quelques prophètes extra-lucides comme Michael Moore(1), pratiquement personne (et certainement pas le soussigné) ne l’a vu venir. La quasi-totalité des médias, sondeurs ou politologues de tous bords, et même les marchés finaciers donnaient Hillary Clinton gagnante avec une probabilité d’au moins 70% ; dans la foulée, les démocrates espéraient même reconquérir la majorité au Congrès. What went wrong ? Qu’est-ce qui a marché de travers ? D’un côté, un novice républicain, n’ayant jamais occupé de fonction élective; à moitié lâché par son propre parti, à force de dérapages et d’outrance; passant son temps à abreuver d’insultes les minorités de son pays et les peuples des pays étrangers (sauf la Russie de Poutine); businessman à succès, mais ignare en économie; ignorant d’à peu près tout d’ailleurs, comme l’ont prouvé ses trois débats publics perdus contre son adversaire… De l’autre côté, une politicienne chevronnée, vingt ans de service public, deux fois sénatrice de New-York, ancienne Secrétaire d’Etat d’Obama ; bénéficiant, avec l’appui de son parti, de deux fois plus de moyens financiers et militants que son adversaire; et ambitionnant de longue date d’entrer dans l’Histoire comme la première femme présidente des Etats-Unis. Le résultat final n’en est que plus sidérant. Certes on peut avancer qu’au point de vue politique, Hillary était probablement la plus compétente des candidates, mais au point de vue politicien, certainement pas la meilleure : faible charisme, zéro empathie, gros déficit (immérité) de popularité (–70%). Que le soudard d’en face a mené sans scrupule une guerre vitupérante, d’une brutalité inouïe, allant jusqu’à l’injure et la menace : « Hillary corrompue ! », « Hillary en prison ! », faisait-il scander à la foule lors de ses meetings. Que Wikileaks a mené contre elle une guérilla revancharde, possiblement alimentée par les services secrets russes, sur son usage imprudent d’un serveur privé pour son courrier électronique. Que la décision hallucinante du FBI de relancer l’enquête sur ces e-mails – pourtant déjà classée – a indubitablement cassé la dynamique de sa campagne, à deux semaines seulement du scrutin...
Ce dernier épisode soulève par ailleurs une question-clé. Donald traîne des casseroles autrement plus nombreuses et tintinnabulantes qu’Hillary. Le journal USA Today a pu recenser jusqu’à 3.500 actions en justice intentées en 30 ans par lui et contre lui, la plupart se rapportant bien sûr à ses affaires, mais certaines touchant à des sujets politiquement sensibles tels que la discrimination raciale (il cochait d’une lettre C, pour « colored », les noms de potentiels locataires noirs dans ses immeubles); l’emploi de travailleurs clandestins sur ses chantiers (alors que maintenant il prône l’expulsion des immigrés illégaux); des détournements de fonds aux dépens de sa propre fondation; de nombreuses faillites à la limite de la fraude (« Je n’ai fait que profiter des possibilités du droit », avoue-t-il ingénument); une « optimisation fiscale » qui lui a permis à lui, multi-milliardaire, de ne pas payer d’impôt depuis 20 ans; le refus constant de rendre publique sa déclaration de revenus, contrairement à l’usage parmi les candidats; des procès pour arnaque contre la Trump University, censée apprendre à ses étudiants comment réussir en affaires; et enfin, au lendemain de sa pire sortie sexiste (voir le florilège), des accusations « d’attouchements sexuels » portées contre lui par une dizaine de victimes… Et pourtant, tous ces scandales potentiels ont glissé sur lui comme l’eau sur les plumes du canard. Même après la révélation de ses propos orduriers sur les femmes qu’on « attrape par la ch… », le pourcentage de ses partisans n’a pas bougé d’une décimale après la virgule. On avait donc, et de façon tranchée, un camp démocrate censément majoritaire, mais plutôt tiède et même chicaneur envers sa propre candidate (2), face à un camp républicain avide de revanche contre les années Obama, chauffé à blanc par un « fasciste déguisé en clown », une « crapule charismatique » dont le discours archétypiquement démagogique « transportait les foules au point de susciter une sorte d’extase séculaire »(3).
Les statistiques socio-ethniques du Pew Research Center d’après-scrutin permettent de cerner assez précisément ces deux électorats. Sur les 226 millions de votants potentiels, seulement les 2/3 étaient inscrits et un peu plus de 54% se sont déplacés, ce qui fait la plus faible participation depuis 2000, en dépit de l’enjeu. Se sont prononcés pour Trump (respectivement pour Clinton) : 47,5% (resp. 47,7%) à l’échelle nationale; 58% (resp. 37%) des électeurs blancs; 8,8% (resp. 87%) des afro-américains; 29% (resp. 65%) des latinos; 40% (resp. 52%) des moins de 44 ans; 53% (resp. 44%) des plus de 45 ans; 53% (resp. 41%) des hommes; 49% (resp. 51%) des femmes; 45% (resp. 49%) des diplômés; 51% (resp. 45%) des non diplômés; et dans la tranche des revenus moyens/bas, c-à-d. entre 30.000 et 50.000 $ par an, 50% (resp. 46%). En combinant ces statistiques avec la carte (voir ci-après) de la répartition géographique des votes, on peut déjà en conclure que le partisan-type de Trump est plutôt masculin, blanc, assez âgé, rural, dans la fourchette basse des diplômes et des revenus. Mais les chiffres apportent aussi quelques surprises. Malgré sa posture et ses propos sexistes, Trump n’a pas été rejeté par l’électorat féminin, ce qui n’est pas de bon augure pour le rêve de Hillary (ou plutôt de celles qui la suivront) de briser le « plafond de verre » vers la magistrature suprême. Malgré ses insultes racistes et xénophobes et ses positions radicales contre l’immigration, Donald fait mieux chez les non-blancs que les précédents candidats républicains (Mitt Romney par exemple), mais surtout Clinton fait moins bien qu’Obama. Cependant le plus alarmant pour les démocrates, c’est la fuite des cols bleus : le parti de Franklin D. Roosevelt ne serait-il plus le champion auto-proclamé de la white working class ?

L’Amérique de la rouille
Le diagnostic a posteriori est évident (et il faut s’incliner d’autant plus bas devant la prescience de Michael Moore (1)). L’issue de la campagne s’est jouée dans la dernière ligne droite, entre deux stratégies opposées. Dans le complexe système électoral américain, ce qui compte n’est pas la majorité en voix (on a vu plus haut que si c’était le cas, Hillary l’aurait emporté, avec une avance de 0,2% sur son rival), mais le nombre de « grands électeurs » (la barre fatidique est de 270). Or, depuis au moins six élections présidentielles d’affilée, les démocrates disposent d’une « muraille bleue » (Blue Wall) de 18 Etats représentant 242 grands électeurs, et les républicains, d’une « muraille rouge » analogue de 13 Etats, mais forte seulement de 158 grands électeurs. En gros, une Amérique (géographiquement et métaphoriquement) océane, cosmopolite, celle des grandes villes, des jeunes et des minorités, opposée à une Amérique continentale, celle du monde rural et des petites villes, plutôt blanche, plutôt fondamentaliste. Depuis des décennies, chaque scrutin se joue sur le gain d’un petit nombre d’Etats-pivots, ou Swing States (dont la Floride est le plus connu à cause de l’épisode Al Gore vs. George Bush Jr en 2000), auxquels les candidats consacrent le principal de leurs efforts. Dans le camp démocrate, en tenant pour acquis les 242 grands électeurs de la « muraille bleue », il suffisait par exemple de gagner les 28 de la Floride pour l’emporter, d’où la décision stratégique de « mettre le paquet » sur les minorités ethniques. Dans le camp adverse, c’est Trump en personne qui a fait le pari de se concentrer sur les cols bleus de la région des Grands Lacs, sur l’arc de Green Bay à Pittsburgh, dans ces quatre Etats – Michigan, Ohio, Pennsylvanie, Wisconsin, en tout 64 grands électeurs – autrefois le « cœur de forge » de l’Amérique industrielle, maintenant une « ceinture de rouille » (Rust Belt) ravagée par les crises et les délocalisations, et c’est là que son slogan « Make America great again » lui a permis de rafler la mise. Avec la perte de la Rust Belt, la « muraille bleue » démocrate s’est effondrée sur Hillary Clinton.
Il faut reconnaître à Trump, en dépit de ses mensonges, le mérite d’avoir su prendre le pouls de ce qu’il est convenu d’appeler « l’Amérique profonde », plus précisément, à l’heure d’aujourd’hui, une Amérique de 44 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, abonnés aux food stamps (« bons de nourriture »), sans couverture sociale ni médicale; et juste au-dessus, une classe moyenne qui « se vide par le bas ». Le déclassement est un spectre qui hante le rêve américain. Pourtant, à la fin de son double mandat, le président Obama ne s’enorgueillit-il pas d’un déficit public réduit de moitié, d’un PIB supérieur à celui d’avant la crise des subprimes, d’un taux de chômage ramené à 5% ? Comme parfois, les statistiques macro-économiques peuvent donner une vue déformée de la réalité. La principale réalité, c’est que l’économie américaine tourne au ralenti : croissance moyenne de 2,8% « seulement » depuis 2008 (et 1,5% en 2016); taux de sous-emploi de 9,7% de la population active (proche de la situation européenne), ce qui signifie qu’une dizaine de millions d’Américains chôment à défaut d’être chômeurs, ou se sont évaporés de la société active; quant à ceux qui sont arrivés à maintenir plus ou moins leur niveau de revenu d’avant la crise, c’est souvent au prix d’un travail d’appoint (un « boulot de la main gauche », comme on dit )… Ce qu’on appelle statistiquement la classe moyenne ne représente plus que 50% de la population, contre 54% il y a quinze ans. Le rêve américain devient non seulement hors de portée, mais hors d’actualité, quand les « survivants» de la classe moyenne voient leur patrimoine fondre au gré des spéculations, sans espoir de pouvoir le reconstituer à cause de la faiblesse des revenus du travail, et surtout sans possibilité de se projeter dans l’avenir à travers leurs enfants. Dans le même temps, sous la houlette conjuguée des deux grands partis alternant au pouvoir, le libéralisme débridé a permis un accroissement vertigineux des inégalités, le 1% le plus riche du pays concentrant désormais 22% de la richesse totale, soit autant que les 90% les moins aisés, autant dire presque tous les autres (4).
A ce degré-là d’inégalité, on peut considérer qu’il est rompu, le «
contrat social » qui lie ensemble les différentes composantes d’une
société démocratique. Le vocabulaire de la « lutte des classes » renaît
spontanément dans les discours, comme chez le candidat « gauchiste »
aux primaires démocrates, Bernie Sanders, 72 ans, qui a recueilli
l’assentiment de 80% des jeunes de moins de 30 ans en se réclamant du «
socialisme » (un mot injurieux aux EU), ou encore plus paradoxalement,
chez les ultraconservateurs du Kansas ou de la Louisiane, qui se
réfèrent sans cesse aux « classes sociales » pour expliquer leurs
revendications – tout en sympathisant avec les idées défendues
par Sanders, qu’ils surnomment affectueusement « Uncle Bernie »(3).
Dans le même temps, la haine des défavorisés contre l’establishment,
qu’ils rendent responsable de tous leurs maux, atteint des sommets,
comme peut en témoigner Laurence Haïm, l’envoyée spéciale de France
Inter : « C’est incroyable de voir
ce qui se passe sur cette campagne (…) Dans l’Amérique profonde, [les
journalistes] se font cracher dessus,
il y a des gens qui nous disent que nous sommes tous malhonnêtes, que
nous sommes des pourris ». Là-dessus s’amène un démagogue
tonitruant que ni la vérité, ni les scrupules n’étouffent, et qui leur
promet de rouvrir leurs usines, leur rendre leur travail, leur rendre
leur fierté, et en même temps « botter les fesses » des élites. Comment
croit-on qu’ils vont réagir ? Peu importe de savoir comment le magicien
va s’y prendre, ni par quelle magie un capitaliste pur jus se penche
tout à coup sur le sort des déshérités. Ce n’est plus un problème de
raison mais d’émotions, ce que A.R. Hochschild (3) appelle une «
histoire profonde », où les faits, le contexte et le jugement moral
n’entrent pas toujours en ligne de compte. Et c’est pour vouloir
approcher rationnellement un vote qui ne l’était pas que la
quasi-totalité des observateurs (y compris le soussigné) ont eu tout
faux.
En théorie, le camp progressiste aurait pu se saisir du thème des
inégalités pour reprendre contact avec les classes populaires. Mais la
gauche démocrate n’avait pu gagner les primaires contre la centriste
Clinton, et de toute façon une autre fracture rendait tout
rapprochement impossible : la
thématique identitaire, reprise au vol par Donald Trump avec les
outrances que l’on sait (voir son « programme »). Strangers in their own land. Ce que
tire la sociologue A. R. Hochschild de son enquête(3), « c’est le récit d’une rancœur. Les
électeurs de la droite radicale sont en colère, notamment pour des
raisons économiques, mais pas seulement. [Sur le chemin du rêve
américain], c’est comme si une
longue queue s’étirait devant eux pour y accéder et qu’ils faisaient du
surplace, bien qu’ils aient travaillé dur toute leur vie. La faute en
incomberait à l’Etatqui aurait changé les règles au profit de certains.
Les Noirs, les femmes, les immigrés, etc., ont désormais le droit de «
resquiller ». Ces électeurs en colère estiment qu’on les a oubliés
». Irrationnel, bien sûr. Les immigrés n’ont aucun privilège, et ce ne
sont pas eux qui « volent le travail » des petits blancs, c’est
l’automation, c’est la mondialisation, ce sont les délocalisations.
Mais aucune discussion rationelle n’est plus possible, d’autant que
cette peur-là vient de loin, des années 60 au moins, comme le soutient
l’historien Pap Ndiaye (Libération,
10/11/16), « quand l’immigration
hispanique et asiatique, mais aussi la mobilisation politique des «
groupes historiquement dominés », les Noirs, les femmes, les « gays »,
etc., ont commencé à remettre en cause l’exercice, jusque-là considéré
comme « normal », de toutes les formes de pouvoir par des hommes
blancs, jusqu’à l’apogée symbolique de l’élection d’Obama en 2008
[…] Lorsque Trump promet de « rendre
sa grandeur à l’Amérique », il envoie un message, celui d’un retour à
l’Amérique blanche des années 50, une Amérique hiérarchisée, conduite
par un président autoritaire et viril » (soit dit en passant,
c’est peut-être une des raisons pour lesquelles Donald parle aussi
souvent de « balls », les siennes et celles des autres – voir son « florilège »).
On pourrait être tenté de traiter l’irruption de Donald Trump comme une
simple anomalie, dangereuse certes, mais réparable à la prochaine
alternance. Sauf qu’elle s’inscrit clairement dans la vague montante
des nationalismes agressifs qu’on constate partout en Europe, dans les
anciens pays de l’Est (Hongrie, Pologne), mais aussi dans les vieilles
démocraties de l’Ouest (Scandinavie, Grande-Bretagne, France), et qui
partagent le projet de refaire de la communauté nationale un ensemble
homogène et fermé, abrité derrière ses frontières d’une modernité jugée
menaçante, nostalgique d’un passé idéalisé. Trump lui-même se réclame
ouvertement de l’exemple du Brexit, et ce n’est pas un hasard si le FN
a été le premier à le féliciter pour son élection, avant même les
résultats définitifs. Les enquêtes comparant les bases électorales de
Trump, du FN et du Brexit montrent que, sans que leurs profils
respectifs se recoupent parfaitement, elles affichent de semblables
motivations : rejet de la globalisation économique, refus de
l’immigration et du multiculturalisme, rejet des élites, notamment
politiques et médiatiques, passéisme. Voir sur les graphiques
ci-dessous les données socio-culturelles comparées des votes populistes.

A l’intérieur, la campagne, puis l’élection de Trump laissent derrière elles une nation fracturée. Dans un camp, la parole raciste et xénophobe se libère, entraînant parfois des agressions physiques. Dans l’autre, pour la première fois peut-être dans l’histoire de leur pays, des milliers d’Américains descendent soir après soir dans les rues des grandes villes pour crier « Not my President ! ». A l’extérieur, le tweet spontané (et vite auto-censuré) de l’ambassadeur de France traduit bien le vertige planétaire devant l’inconnu : « Après le Brexit et cette élection, tout est désormais possible. Un monde s'effondre devant nos yeux.» Suivant la chute du mur de Berlin et l’implosion de l’Union Soviétique, les divagations sur la « fin de l’Histoire » avaient pu accréditer l’idée que la démocratie était « l’horizon in-dé-pas-sable » des régimes politiques. On s’aperçoit aujourd’hui que, tout comme les civilisations, les démocraties peuvent être mortelles.
NGUYEN QUANG
novembre 2011
(1) Michael Moore, http://www.huffingtonpost.fr/michael-moore/cinq-raisons-pour-lesquelles-trump-va-gagner/
(2) On pense inévitablement aux chipoteries qui ont conduit à l’élimination du candidat socialiste Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle française de 2002
(3) Artie Russell Hochschild & Thomas Frank, dans l’interview au Monde du 03/11 pour présenter leurs livres respectifs, Strangers in their Own Land, The New Press, 2016, et Pourquoi les pauvres votent à droite ? Agone, 2013
(4) Sur les inégalités, il faut absolument lire Thomas Piketty, Le Capital au 21ième Siècle, Seuil, 2013. Compte-rendu dans Diễn Đàn, juillet 2014 : http://www.diendan.org/phe-binh-nghien-cuu/le-capital-au-21e-siecle-de-thomas-piketty
Le monde selon Trump
Sur Donald Trump
« Regardez ces mains, est-ce que ce sont de petites mains ? [En réponse à une attaque lancée par Marco Rubio] Il a fait référence à mes mains – “si elles sont petites, alors quelque chose d’autre doit être petit”. Je vous assure qu’il n’y a aucun problème ».
« Une partiede ma beauté, c’est que je suis riche. »
« Je suis très riche. (...) Je suis fier de ma fortune. J'ai fait un boulot incroyable. (..) Je suis très fier de ma réussite. Je le suis vraiment. (...) Et je ne le dis pas pour frimer, c'est mon état d'esprit, et c'est ce genre d'état d'esprit dont vous avez besoin pour ce pays. »
Sur Hillary Clinton
« Comment peut-elle satisfaire son pays si elle ne satisfait pas son mari ? »
Sur les Africains
« J’aime beaucoup Nelson Mandela mais l’Afrique du Sud est un foutu nid à criminels prêt à exploser. »
« Arrêtez d’accueillir les patients atteints d’Ebola aux Etats-Unis, soignez-les au plus haut niveau, chez eux. Les Etats-Unis ont assez de problèmes. »
Sur les femmes
« Oui, il faudrait une forme de punition [pour les femmes qui avortent] »
« [La maternité] est une chose merveilleuse pour la femme, c'est merveilleux pour le mari, mais c'est un problème pour le business. »
[Sur la journaliste Megyn Kelly qui lui a posé des questions "unfair", insinuant qu'elle avait ses règles] « On pouvait voir du sang sortir de ses yeux, du sang sortir de son... où que ce soit. »
« Je suis automatiquement attiré par les belles femmes… Je les embrasse tout de suite, comme un aimant. Je les embrasse, je n’attends même pas. Et quand tu es une star, elles te laissent faire. Tu peux les attraper par la ch…, tu fais tout ce que tu veux »
Sur l’immigration
« Je préviens les gens qui viennent ici de Syrie, parmi cette vague d'immigration massive, que si je gagne [l'élection présidentielle], ils devront retourner chez eux ! »
« Quand le Mexique envoie ses gens, ils n'envoient pas les meilleurs. Ils n'envoient pas des gens comme vous. Ils envoient des gens qui ont des tonnes de problèmes et qui amènent ces problèmes avec eux. Ils viennent avec des drogues. Ils amènent le crime. Ce sont des violeurs. Je pense que certains sont des gens bien. »
« Le premier jour, nous allons construire un beau mur frontalier, concret, impénétrable, grand, puissant. Et le Mexique va payer ce mur. A 100 %. Ils ne le savent pas encore, mais ils vont payer.»
« Une autre réforme impliquera pour les candidats à l’immigration […] une certification idéologique, pour être sûrs que ceux qui sont admis dans notre pays partagent nos valeurs et aiment notre peuple.»
Sur les médias
« Le Wall Street Journal adore écrire du mal de moi. Ils feraient
mieux
de faire attention ou je vais vraiment me déchaîner contre eux. J’ai
hâte ! »
« Le New York Times, ce sont les gens les plus malhonnêtes qui soient. Peut-être qu’on va réfléchir à leur enlever leurs accréditations. »
« Je vais étendre la portée des lois sur la diffamation, pour que quand ils écrivent à dessein des articles négatifs, méchants et infondés, on puisse les poursuivre et gagner beaucoup d’argent »
Sur les musulmans
« Donald Trump appelle à l’arrêt total et complet de l’entrée des musulmans aux Etats-Unis jusqu’à ce que les représentants de notre pays puissent comprendre ce qu’il se passe. Selon l’institut Pew Research, entre autres, il y a beaucoup de haine contre les Américains par une grande partie de la population musulmane. »
« J’ai des amis musulmans, ce sont des gens très bien, mais ils savent qu’il y a un problème, et on ne peut plus le tolérer »
Sur Poutine
« L’homme
a un très grand contrôle de
son pays. C’est un système très différent et que je n’aime pas
spécialement, mais, dans le cadre de ce système, [Poutine] est un vrai
leader, bien plus que notre président [Obama].»
« Je dirais que Poutine est
quelqu’un de plus sympathique que moi »
Sur le réchauffement climatique
« Le concept du réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois dans le but de rendre l’industrie américaine non compétitive. »
Sur les terroristes
[Pour empêcher le recrutement de jihadistes] : « On doit faire quelque chose. On doit aller voir Bill Gates et plusieurs autres personnes qui comprennent réellement ce qu'il se passe et leur demander de fermer Internet dans certains endroits. »
[Sur Daech] : «Je les bombarderai jusqu’à les réduire en
merde puis prendrai leur pétrole.»
Programme Trumpien
NB : Vu la propension de l’ex-candidat devenu president-elect de
raconter tout et son contraire, ce « programme » est plutôt à lire
comme un catalogue à la Prévert.
• Armes à feu
La position du candidat républicain sur les armes a varié. Il y a une quinzaine d’années, Donald Trump se déclarait en faveur d’une interdiction des armes d’assaut. Mais son ton s’est durci et il a promis d’abroger « dès la première heure de [son] entrée en fonction » les décrets signés par Barack Obama sur le renforcement des réglementations.
Pour le candidat, « le deuxième amendement de la Constitution est clair. Le droit du peuple de posséder une arme ne doit pas être transgressé ». M. Trump évoque un « droit à se défendre et à défendre sa famille ». Pour lui, la détention d’armes à feu est « un droit donné par Dieu à l’autodéfense ».
Le milliardaire a le soutien de la National Rifle Association (NRA), le principal groupe de pression en faveur des armes à feu aux Etats-Unis. En 2015, plus de 13 000 personnes ont été tuées par des armes à feu (contre 11 000 en 2011), selon Gun Violence Archive.
. Economie
Donald Trump a bousculé les dogmes républicains en s’opposant au libre-échange lui préférant « l’échange très très intelligent dans lequel [les Etats-Unis] tirent leur épingle du jeu ». Et a promis la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), responsable, selon lui, des délocalisations vers le Mexique. Il s’oppose également au partenariat transpacifique (TPP), en cours de ratification. Il n’est pas non plus favorable à un accord commercial avec l’Union européenne (TTIP).
En dépit de ses tensions avec son parti, Trump promet de travailler avec le Congrès pour introduire et pousser à l’adoption d’un plan économique créant 25 millions d’emplois sur dix ans, à travers notamment des baisses d’impôt substantielles pour la classe moyenne et les entreprises. Avec l’objectif d’une croissance de 4 % par an.
Il promet de consacrer 1 000 milliards de dollars (900 milliards d’euros) au développement des infrastructures en s’appuyant notamment sur des partenariats public-privé.
[De façon un peu contradictoire avec ces mesures keynesiennes], sur le plan fiscal, il veut faire passer le taux d’imposition fédéral le plus élevé de 39,6 % à 33 %. L’impôt sur les sociétés serait abaissé à 15 % (contre 35 % actuellement) et la taxe foncière supprimée. Sur la question du salaire minimum fédéral, Trump estimait à la fin de l’année 2015 qu’il était « trop élevé », mais s’est dit récemment favorable à le relever à 10 dollars contre 7,25 actuellement.
• Environnement
Donald Trump a promis qu’il annulerait l’accord de Paris sur le climat et qu’il supprimerait l’agence de protection de l’environnement (EPA). Il veut également lever les restrictions à la production d’énergies fossiles et relancer le projetd’oléoduc Keystone XL.
Vagues de chaleur, inondations ou ouragans plus fréquents sont reconnus par l’Etat fédéral américain comme étant le résultat du changement climatique. Mais Donald Trump nie l’existence du réchauffement climatique, estimant que c’est « une invention des Chinois » : « Ça a toujours été comme ça, le temps change, il y a des tempêtes, de la pluie et des belles journées. »
• Famille et avortement
Trump a proposé de permettre aux familles de déduire de leurs impôts le coût de la garde d’enfants. Concernant le congé maternité, qui n’existe pas aux Etats-Unis de façon universelle, il propose d’accorder six semaines payées comme une indemnité chômage.
Il a défendu par le passé le recours à l’avortement en se définissant comme « pro choice » (pour le libre choix) avant de se rapprocher de la doxa républicaine et de se dire « pro life » (« pro-vie », anti-avortement), affirmant que l’embryon « a un droit fondamental à la vie, qui ne peut être enfreint ». Il s’était attiré de vives critiques en mars en estimant que, si l’avortement devenait illégal aux Etats-Unis, les femmes qui y auraient recours devraient encourir« une forme de punition ». Quelques heures après, il faisait machine arrière en estimant que dans ce cas, ce sont les médecins effectuant une interruption volontaire de grossesse qui devraient être sanctionnés.
Aujourd’hui, les premiers 5,45 millions de dollars (4,8 millions d’euros) d’une succession ne sont pas imposables, 10,9 millions (9,6 millions d’euros) pour un couple marié. Au-delà de ce montant, le taux de 40 % s’applique. Donald Trump supprimerait cette « taxe de la mort », selon ses mots.
• Immigration
Tout au long de sa campagne, Donald Trump a mis en avant les questions d’immigration et de sécurité. Le point le plus symbolique est l’édification d’un mur de 1 600 kilomètres qu’il a promis de faire bâtir le long de la frontière mexicaine pour arrêter l’immigration illégale. Il a annoncé qu’il enverrait la facture au Mexique pour le paiement.
Il veut aussi tripler le nombre d’agents chargés de l’immigration et compte renvoyer les immigrants sans papiers – « 5 à 6,5 millions » sur les quelque 11 millions d’immigrés clandestins. Une peine de prison fédérale de deux ans minimum sera aussi imposée à tous les immigrants clandestins expulsés qui reviendraient aux Etats-Unis.
Il souhaite également revenir sur le droit du sol qui permet l’obtention de la nationalité américaine à ceux qui sont nés aux Etats-Unis. Dans ses discours lors de la primaire, il a qualifié les Mexicains venus aux Etats-Unis de « violeurs ».
• Politique étrangère
Donald Trump souhaite que les alliés des Etats-Unis au sein de l’Alliance atlantique (OTAN) payent plus pour assurer leur propre sécurité. Si ce n’était pas le cas, il menace de sortir de l’organisation. Par ailleurs, il estime que celle-ci doit se concentrer plus sur la lutte contre le terrorisme et les flots migratoires et moins sur la force de dissuasion envers la Russie.
Sur les relations russo-américaines, justement, Trump veut créer une alliance avec la Russie : « En étant dans une position de force, je crois à un rapprochement et à une diminution des tensions avec la Russie. Certains disent que les Russes ne seront pas raisonnables, j’entends montrer le contraire. »
Concernant l’organisation Etat islamique (EI), le candidat républicain a appelé à sa destruction sans donner plus de détails, invoquant la nécessité de préserver un « effet de surprise ». En Syrie, Trump est favorable à laisser à la Russie plus de latitude d’action, considérant que Moscou est mieux placé que les Etats-Unis pour intervenir dans ce pays.
Sur les relations avec l’Iran, le républicain dénonce l’accord sur le nucléaire conclu par Barack Obama à l’été 2015, estimant que les Etats-Unis n’ont pas obtenu suffisamment de concessions. Il souhaite le renégocier
• Santé
Donald Trump déclare vouloir abroger l’Obamacare, une assurance universelle destinée aux plus pauvres, entrée en vigueur en 2013. [Un de ses proches, le neuro-chirurgien (noir) Carson, va répétant que l’Obamacare est « la plus grande catastrophe aux E-U depuis l’esclavage »].Il veut permettre aux personnes qui souhaitent s’assurer par leurs propres moyens de déduire le montant des cotisations de leurs impôts. Sur le prix des médicaments, il promet d’autoriser les importations de ceux vendus moins cher à l’étranger.
• Système politique
Donald Trump a aussi promis de s’attaquer immédiatement à ce qu’il décrit comme la corruption à Washington, avec notamment la limite des mandats des élus du Congrès, le gel des embauches de fonctionnaires fédéraux, et l’interdiction pendant cinq ans pour les personnels de la Maison Blanche et du Congrès de devenir lobbyiste.
• Terrorisme
Pour lutter contre le terrorisme, Trump propose d’autoriser la torture. Il a appelé également à tuer les familles des terroristes pour dissuader les candidats au djihad.
En décembre 2015, après l’attaque terroriste de San Bernardino (Californie), Trump envisageait une interdiction totale de l’entrée aux Etats-Unis pour les musulmans, avant de reculer face à l’impossibilité constitutionnelle d’appliquer une telle mesure. Le candidat veut désormais limiter l’interdiction du territoire américain aux ressortissants des « Etats et nations terroristes », tout en réclamant une « extrême vigilance » pour les musulmans désirant se rendre aux Etats-Unis.
D’après Le Monde du 10/11/16
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